La loi n°2020-936 visant à protéger les victimes de violences conjugales a vocation à renforcer de façon significative la protection de toutes les victimes de violences intrafamiliales, conjoint, ex-conjoint et enfants, en prenant en considération l’ensemble des perturbations de la vie familiale engendrées par ces violences, de quelque nature qu’elles soient, y compris les plus dramatiques et notamment l’homicide volontaire de l’un des parents par l’autre. Elle a été définitivement adoptée le 30 juillet 2020 et publiée au Journal Officiel le 31 juillet 2020. Elle est entrée en vigueur le 1er août 2020.
S’inscrivant dans la continuité des travaux du Grenelle contre les violences conjugales de 2019, portée principalement par la députée Bérangère Couillard, elle complète et prolonge les améliorations législatives issues de la loi Pradié du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille. La circulaire présentant les dispositions pénales d’application immédiate a quant à elle été adoptée le 3 août 2020.
Ordonnance de protection
Dans le cadre d’une ordonnance de protection, la jouissance du logement conjugal est désormais attribuée au conjoint, au partenaire pacsé ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences (même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence).
Le Juge aux Affaires Familiales informe sans délai le procureur de la République de la délivrance de l’ordonnance de protection, ainsi que des violences susceptibles de mettre en danger les enfants.
Avec l’accord des parties, le JAF qui ordonne le port d’un bracelet anti-rapprochement (BAR), aura préalablement interdit à l’auteur des violences de s’approcher à moins d’une certaine distance de la victime. Cette modification permet d’assurer la pleine efficacité du BAR en assurant une assise légale à l’intervention des forces de l’ordre, si le porteur d’un bracelet anti-rapprochement se maintient dans la zone après le déclenchement d’une première alerte.
Logement
Le locataire bénéficiaire d’une ordonnance de protection ou dont le conjoint (ou partenaire de PACS ou concubin) fait l’objet de poursuites d’une alternative aux poursuites ou d’une condamnation (même non définitive) en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant résidant habituellement avec lui peut désormais bénéficier d’un préavis réduit à un mois (au lieu de 3) pour donner congé au propriétaire du logement.
Exercice de l’autorité parentale en cas de violences conjugales
En cas de contrôle judiciaire d'un auteur présumé de faits de violences, en phase d'enquête ou d'instruction, outre l’interdiction de tous contacts entre l’auteur présumé des faits de violence et les victimes, en ce compris les enfants, déjà possible, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction pourra désormais prévoir spécifiquement, en cas de violences conjugales, la suspension du droit de visite et d’hébergement à l’égard des enfants mineurs dont l’auteur présumé mis en examen est titulaire.
Il devra systématiquement statuer sur cette question par ordonnance motivée (quel que soit le sens de sa décision), ce qui permettra ainsi aux victimes d’éviter de saisir en urgence le JAF pour obtenir une suspension des droits de visite et d’hébergement dans l’attente d’une condamnation, et d’assurer une protection immédiate de la victime et sa famille.
Cette loi élargit par ailleurs le retrait possible de l’autorité parentale ou de son exercice à tous les cas de violences conjugales (et plus seulement les crimes).
Harcèlement moral au sein du couple
Le « suicide forcé » fait son entrée dans le Code pénal, reconnu comme circonstance aggravante du délit de harcèlement moral au sein du couple.
La loi Couillard allonge la liste des exceptions à l’immunité pour vol entre époux : en effet, l’article 311-2 du CP prévoit une exception à l’immunité entre conjoints lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité, titres de séjour ou de résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement. L’article 10 rajoute à cette liste d’exception les moyens de télécommunication (téléphone, ordinateur etc.) => des poursuites pénales sont donc possibles en cas de vol d’un moyen de télécommunication appartenant au conjoint, à un ascendant ou à un descendant.
Possibilité de levée du secret médical en cas de violences conjugales
L’article 12 de la loi Couillard complète l’article 226-14 du Code pénal et ajoute une nouvelle exception aux hypothèses de violation du secret professionnel, en autorisant (possibilité) la levée du secret médical lorsque les violences mettent la vie de la victime en danger immédiat et que celle-ci se trouve sous l’emprise de son auteur. Le médecin ou le professionnel de santé devra s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure et, en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il devra l’informer du signalement fait au procureur de la République.
La notion d’emprise fait ainsi son entrée dans le Code pénal, sans qu’une définition n’y soit apportée.
Droit à l'information
La loi Couillard complète l’article 10-2 du Code de procédure Pénale relatif à l’information des victimes de leurs droits au stade de l’enquête ; une dizième composante de ce droit à l’information est ainsi ajoutée, l’information à la victime de son droit de se voir remettre, s’il s’agit de violences pour lesquelles un examen médical a été requis par un officier de police judiciaire ou un magistrat, le certificat d’examen médical constatant son état de santé.
Autres dispositions
Elles ont trait notamment au respect de la vie privée, à la prohibition de la médiation en cas de violences conjugales, aux exceptions d’indignité en cas de violences intrafamiliales, à la protection des mineurs, à la saisie d’armes en cas de violences conjugales et aux interdictions de paraître ou de contact, à l’aide juridictionnelle, aux étrangers victimes de violences familiales ou conjugales.