Devant le phénomène croissant des violences intrafamiliales ces dernières années en France et le besoin constant d’amélioration dans les réponses concrètes à apporter aux victimes, en termes d’accompagnement, de soutien, de protection, plusieurs propositions de loi ont été déposées au Parlement sur ce sujet ces derniers mois :
- Le 6 septembre 2022, une proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales a été déposée par Valérie Létard.
Afin de mieux protéger les victimes de violences conjugales, cette proposition prévoit d’octroyer une aide d’urgence aux victimes de violences commises par le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin quand elles sont attestées par :
- Une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ;
- Un dépôt de plainte ;
- Un signalement adressé au procureur de la République.
La demande d’aide se fera au moment du dépôt de plainte ou du signalement adressé au procureur de la République, et sera transmise aux caisses d’allocations familiales (« CAF ») ou à la caisse de la Mutualité sociale agricole (« MSA »). Les forces de l’ordre devront informer les victimes de cette aide.
Cette aide universelle prendra la forme d’un prêt sans intérêt, ou d’un don, selon la situation financière et sociale de la victime, et selon la présence d’enfants. Elle sera versée dans les trois jours ouvrés (jusqu’à cinq jours ouvrés par les victimes non-allocataires).
Le remboursement du prêt d’urgence pourra être mis à la charge du conjoint, partenaire ou concubin violent, dans la limite de 5000 euros. Dans le cas contraire, la victime pourra bénéficier de remises et de réductions, en fonction de sa situation.
Le 16 février 2023, le Sénat a définitivement adopté en deuxième lecture, sans modification, à l’unanimité, cette proposition de loi.
Cette aide sera concrètement applicable neuf mois maximum après la promulgation de la loi, date fixée dans le futur décret d’application.
- Le 15 décembre 2022, une proposition de loi visant à renforcer l’ordonnance de protection, a été déposée au Parlement, par Cécile Untermaier.
Afin de mieux protéger en urgence, et plus longtemps, les victimes, cette loi vise à renforcer la délivrance des ordonnances de protection en prévoyant deux modifications :
- Un allégement des conditions de délivrance de l’ordonnance de protection: actuellement, l’alinéa 1er de l’article 515-11 du Code civil indique que la délivrance de l’ordonnance de protection est conditionnée à la vraisemblance des faits de violences allégués, et du danger auquel la victime (ou ses enfants) est exposée.
La proposition de loi propose d’assouplir la condition relative au danger, en précisant le critère des violences vraisemblables : celles-ci doivent exposer la victime ou les enfants à un « potentiel danger ». L’objectif est de permettre au juge d’apprécier la condition de danger différemment, et de considérer que dès lors qu’il y a violence, il y a danger potentiel, et donc, possibilité de délivrer une ordonnance de protection.
- Un allongement de la durée maximale de l’ordonnance de protection, passant de six à douze mois, pour éviter principalement aux victimes d’avoir rapidement de nouvelles démarches à engager.
Le 9 février 2023, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi à l’unanimité. Elle doit désormais être examinée par le Sénat, au printemps.
- Enfin, le 15 décembre 2022, une proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co‑victimes de violences intrafamiliales, a été déposée par Isabelle Santiago.
Elle concerne pour l’essentiel, en cas de violences intrafamiliales, les questions d’autorité parentale, son exercice, les cas de suspension automatique.
Les lois du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ont introduit deux dispositions sur ce sujet et ont notamment permis :
- La suspension de plein droit de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour un crime envers l’autre parent ;
- La possibilité de retrait de l’autorité parentale ou de son exercice à l’égard du parent condamné pour un délit, et plus seulement pour un crime, commis sur son enfant ou sur l’autre parent.
Une étape supplémentaire est franchie avec cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 9 février 2023, en première lecture, avec modifications.
Elle prévoit notamment le retrait automatique de l’autorité parentale ou, à défaut, de son exercice, en cas de condamnation d’un parent pour violences intrafamiliales, c’est-à-dire :
- Pour agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur son enfant;
- Ou pour un crime commis sur l’autre parent.
Cette règle est érigée en principe, avec toutefois une appréciation souveraine du juge (« sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction »).
Le texte prévoit également la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale, des droits de visite et d’hébergement :
- En cas de poursuite, le temps de la procédure pénale ou de condamnation, même non définitive, du parent pour agression sexuelle incestueuse ou pour tout crime commis sur son enfant;
- Ou en cas de condamnation, même non définitive, pour violences volontaires sur l’autre parent ayant entrainé une interruption totale de travail (« ITT ») de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits.
Cette suspension provisoire sera effective jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales (qui doit être saisi par l’un des parents ou les deux selon les cas), ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
Enfin, un amendement a introduit un nouveau cas de délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale : en cas de poursuite par le Parquet, de mise en examen par le juge d’instruction ou de condamnation du parent pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant, si ce parent est le seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale, cette nouvelle disposition permettra à la personne qui a recueilli l’enfant, de prendre toutes les décisions nécessaires à l’organisation de la vie de l’enfant, sans avoir à obtenir l’autorisation du parent poursuivi ou condamné.
Cette proposition de loi sera examinée au Sénat le 21 mars 2023.